|
Le PDG de Flipboard, le magazine social pour iPad
et iPhone qui revendique plus de 8 millions de téléchargements,
explique les spécificités de l'édition française et dévoile le business
model de la société. |
Pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement de
Flipboard ?
Flipboard est un magazine social qui permet
d'apprécier les informations, les statuts et les photos partagés sur les
différents réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, LinkedIn...
L'application agrège également les informations diffusées par les médias
qui ont été sélectionnés par le lecteur. Celui-ci peut ensuite faire
défiler rapidement les contenus partagés par ses amis et ses autres
sources, grâce à des "flips" qui permettent de retrouver la sensation de
la page qui se tourne.
Comment expliquez-vous
le succès de Flipboard ?
Ayant fait partie de l'aventure
Netscape dans les années 90, j'ai connu presque toutes les évolutions
du Web, les bonnes comme les mauvaises. C'est au cours d'un voyage en
avion courant 2009, alors que je lisais plusieurs magazines, que je me
suis demandé pourquoi le contenu web avait aussi peu évolué et pourquoi
il était aussi, disons le franchement, moche en comparaison du papier.
Alors même que de nombreux leviers tels que les médias sociaux et
l'iPad, qui est arrivé dans la foulée, existaient. Et c'est non sans une
certaine ironie que j'ai réalisé que le salut du contenu web
passait, sans doute, par le format papier et ses caractéristiques
intemporelles que sont le design graphique, la sensation de tourner une
page... C'est de cette manière que m'est venu l'idée de lancer
un magazine social, un magazine qui a vu le jour presque en même temps
que l'iPad.
Le succès de Flipboard
s'explique parce que l'application répond aux attente des utilisateurs
de l'iPad |
C'est d'ailleurs parce que Flipboard a été développé
et conçu pour l'iPad qu'il a connu un tel succès. Nous attachons en
effet beaucoup d'importance à développer des applications qui tirent le
meilleur de leur environnement. C'est ce même raisonnement qui a motivé
le développement de notre application iPhone sur laquelle on retrouve la
qualité de l'application pour iPad, avec des rubriques organisées
autrement, en tenant compte de la différence de taille de l'écran. Un
exemple : sur l'iPhone, on feuillette de manière verticale.
Le contenu apparait sous la forme d'une pile de cartes que l'on explore
en tapotant sur chaque pile.
Que représente le
marché français pour Flipboard ?
Même si je ne peux pas
vous communiquer de chiffre précis, je peux vous affirmer que la France
fait partie de notre top 5 en nombre de téléchargements et que notre
audience ne cesse d'y croître, au vu notamment du succès de l'iPod et de
l'iPad. Les Français sont très friands de visuels léchés et de réseaux
sociaux, deux variantes qui sont le cœur même de notre succès. C'est
donc presque naturellement que nous avons décidé d'y lancer une édition
locale (l'application sera téléchargeable à partir de 15 heures, heure
française). La France est ainsi le premier pays européen à
bénéficier de sa propre version et le second, hors USA, après la Chine.
Quelles seront les caractéristiques de cette
application ?
En plus de bénéficier d'une interface
désormais entièrement traduite, les lecteurs de l'édition française de
Flipboard auront également accès à un guide de contenus sélectionnés
pour eux parmi des publications et des blogs français, ainsi que
d'autres sources de contenus.
La "une" est alimentée par
vos contenus préférés et ceux de vos meilleurs amis |
Autre grande nouveauté : la page à la une, la "cover
story" dans sa version américaine, qui permet d'afficher les
principales publications dans chaque catégorie ou réseau social que vous
avez relié à Flipboard. L'objectif : réunir tout ce qui est important
pour vous. Tout cela, grâce à une technologie qui nous permet d'agréger
les contenus postés par les personnes qui vous "importent" le plus,
c'est-à-dire celles avec qui vous interagissez le plus, dont vous
appréciez souvent les publications en les "likant" ou les "retweetant".
Vous n'êtes ainsi plus votre seul curateur, vos amis le sont également
pour vous. L'application va, par ailleurs, étudier vos goûts afin de
vous proposer des contenus toujours plus pertinents. Ainsi plus vous
utilisez la fonction, plus elle s'améliore.
Quel
est votre business model ?
Nous avons dans le monde 65
partenaires vers les publications desquels nous générons du trafic et
touchons, par conséquent, un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé
par leurs publicités. C'est un chiffre que je ne peux vous communiquer
mais je peux vous certifier que nous avons adopté un modèle
gagnant-gagnant, permettant la création d'un contenu digital pertinent
et léché, tout en partageant les revenus générés. Cette volonté
d'esthétiser le contenu se retrouve également dans les formats
publicitaires que nous proposons tel que le format de publicité pleine
page, ici encore identique à celui que l'on retrouve sur le format
papier.
Les formats de publicité
pleine page se vendent 10 à 20 fois plus cher |
C'est un format bien plus efficace que les bannières
display que l'on retrouve habituellement sur le Web, elles,
plus petites et moins bien intégrées au contenu. Plus besoin de cliquer
sur une bannière pour accéder à la publicité plein écran, on "flip" pour
naviguer dans l'application, passer d'une publicité pleine page à un
article et l'expérience utilisateur ne s'en ressent absolument pas, tant
l'opération est rapide. Cette volonté de ne pas altérer la navigation
est l'une des raisons pour lesquelles nous ne supportons pour l'instant
pas directement le format vidéo dans nos publicités, celui-ci étant trop
lourd. Les éditeurs, quant à eux, n'ont rien à faire, nous nous
chargeons de modeler automatiquement le contenu. Ce qui leur permet de
vendre ce format de publicité 10 à 20 fois plus cher.
Qu'en
est-il de la France ?
En France, notre premier et seul
partenaire est Grazia dont la richesse visuelle se prêtait bien à
l'expérience. Notre priorité reste pour l'instant de construire une
audience significative, avant d'entamer des discussions poussées avec
les éditeurs français. Il est cependant certain que nous mènerons, par
la suite, des partenariats du genre de ceux que nous avons lancé aux
Etats-Unis, comme celui noué avec Rolling Stone Magazine qui, plutôt que
de créer sa propre application iPad, a préféré être présent sur notre
support.
Quelles sont les perspectives à venir ?
Envisagez-vous de vous lancer sur d'autres formats ?
Nous
nous sommes pour l'instant concentrés sur iOS. Je dois pourtant
admettre que nous sentons une véritable demande de la part des
utilisateurs d'Android et les parts de marché croissantes de cet OS sur
smartphone le rendent de plus en plus attractif. Nous y
pensons, nous regardons les possibilités mais pour l'instant nous nous
concentrons sur iOS et sur notre développement à l'international tel que
l'édition chinoise que nous avons lancée début décembre. Environ 40% de
l'audience de Flipboard vit en dehors des Etats-Unis, à nous de la
cultiver.
Craignez-vous un concurrent tel que
Google dont l'application Current, lancée sur iOS, pourrait vous
concurrencer ?
Notre succès a bien évidemment
suscité des vocations. Si nous avons de plus en plus de concurrents,
personne ne propose actuellement de service aussi complet que celui
offert par Flipboard. Par exemple, Google Current n'a pas la dimension
"social media" que nous avons, Google + mis à part. Il ne vous permet
pas d'agréger vos flux Facebook, Twitter, Instagram... Le service est
dédié à la curation d'informations.
Par ailleurs, nous préférons nous
concentrer sur notre propre développement, en ajoutant les réseaux
sociaux qui émergent, en faisant attention au moindre détail. C'est une
recette qui, pour l'instant, fonctionne. Nous comptons près de
8,1 millions de téléchargements dans le monde et près de 2 milliards de
"flip" par mois... Sans parler de l'engagement utilisateur croissant que
nous avons pu observer. Début décembre, un utilisateur passait en
moyenne une heure par mois sur notre application, il en passe
aujourd'hui deux heures, en partie grâce au lancement de la version
iPhone. Facebook et ses 7 heures par mois ne sont plus si loin...
Mike McCue a cofondé Flipboard avec Evan Doll
au début de l'année 2010. Après une expérience chez Netscape, comme
vice-président en charge des technologies, il a lancé sa propre
entreprise dédiée aux réseaux de communication, Tellme Networks, en
1998. La société a été acquise par Microsoft en 2007 pour la somme de
800 millions de dollars.
( Source : http://www.journaldunet.com/ebusiness/internet-mobile/mike-mccue-mike-mccue.shtml?f_id_newsletter=6522 )